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Cinq lectures pour comprendre...

Les rites funéraires

Objet

En 1909, la progressiste Éva Circé-Côté, journaliste et bibliothécaire de la Ville de Montréal, enterre son défunt mari loin des rites catholiques après l’avoir fait incinérer, un choix plutôt révolutionnaire pour l’époque! De nos jours, le taux de crémation s’établit à plus de 70 % au Québec. Pour cette raison, l’industrie funéraire a connu depuis une quarantaine d’années de profondes et rapides mutations. De fait, les funérailles traditionnelles sont en déclin : embaumement, exposition du corps, messe et inhumation. Les rites funéraires sortent des églises, des cimetières, même. La prise en charge des funérailles est de plus en plus l’affaire des centres funéraires, du décès à la disposition des restes.

L’Assemblée nationale a adopté en février 2016 le projet de loi no 66, Loi sur les activités funéraires. Cette loi s’appliquera à la fourniture de services funéraires, aux activités de thanatopraxie, au transport, à l’inhumation, à l’exhumation de cadavres, à l’exploitation d’installations funéraires, à la disposition des cendres et à la prise en charge des  dépouilles non réclamées. La loi entrera en vigueur par décret.

La Corporation des thanatologues du Québec salue cette initiative, mais réclame des balises plus claires sur la crémation, particulièrement sur la disposition des cendres. L’augmentation du nombre de crémations a une incidence sur les rituels funéraires, ils sont de plus en plus adaptés aux volontés du défunt et de ses proches, ils se personnalisent. Selon la nouvelle loi, les cendres pourront être dispersées dans la nature, mais à condition que ce geste n’engendre pas de nuisance. Par ailleurs, les urnes cinéraires prennent diverses formes : urne de glace qu’on laisse fondre dans l’eau, urne biodégradable en tissu organique ou en bois, urne qu’on enfouit au pied d’un arbre, urne disposée avec un plant, cendres réparties dans  plusieurs contenants tels que des pendentifs, etc.

Au-delà des cérémonies personnalisées, de l’utilisation des technologies de l’information et de la communication, des hommages personnels ou humoristiques, de la présence d’objets familiers, de cercueils en forme de kayak, de cortèges funèbres de motocyclistes, d’une crémation collective, d’une réception bien arrosée, l’industrie funéraire craint des dérives dans la demande et l’offre de services. On redoute des mises en scène parfois insolites, disgracieuses ou vexatoires. Certaines pratiques peuvent heurter l’esprit ou porter atteinte à la dignité du défunt. Par ailleurs, l’Assemblée des évêques catholiques s’inquiète de la traçabilité des restes. En Nouvelle-Orléans, une femme a été exposée, verres fumés au visage, cigarette à la main, assise devant une table sur laquelle était déposés sa bière et son cendrier. Un boxeur américain a été présenté en tenue, debout sur un ring. Au Québec, les égoportraits du défunt, ou avec le défunt, sont monnaie courante et ils font parfois l’objet d’une publication sur les réseaux sociaux. Comment en assurer un usage respectueux? Dernièrement, un centre de dons Deuxième vie de la Société Saint-Vincent-de-Paul de Montréal a découvert une urne cinéraire contenant des cendres humaines. Ces exemples suscitent des questions éthiques autour des funérailles personnalisées. La Corporation des thanatologues entend éviter de telles  dérives.

Nous vous présentons ici cinq lectures éclairantes sur les rites funéraires d’hier et d’aujourd’hui abordées sous différents angles : historique, ethnologique, sociologique, éthique ou pratique. Si le lecteur désire aller plus loin, cinq autres titres sur ces rituels figurent à la fin du document.

Les cinq lectures pour comprendre

1 /  Hébert, Yves, « Les rites funéraires d’autrefois (Québec 1880-1940) », Encyclopédie sur la mort, [En ligne], 30 novembre 2001. http://agora.qc.ca/thematiques/mort/documents/les_rites_funeraires_dautrefois_quebec_1880_1940

Yves Hébert démontre dans son article que la mort a autrefois occupé une grande place au Québec. Il constate que la mort régulait le comportement quotidien des chrétiens. En chaire, les prêtres incitaient les fidèles à penser à leur fin, à la « précarité de leur l’existence ». Ils leur décrivaient les joies du paradis et les tourments de l’enfer dans le but de les éloigner du péché.

L’historien recense les rites funéraires et les croyances catholiques depuis la Nouvelle-France, particulièrement de la fin du XIXe siècle au milieu de XXe siècle. Il procède par étape, soit le constat du décès à l’aide d’un miroir, le glas et son code, la préparation du mort et ses habits. Notamment, la dépouille est chaussée de pantoufles, car les souliers feraient trop de bruit au paradis! Puis, l’auteur décrit les ornements du domicile du disparu et de l’église. Il précise que l’exposition se fait sur « les planches » à la maison et que la veillée mortuaire dure trois jours, sans interruption. À noter qu’un bol d’eau est parfois placé contre le mort afin qu’il puisse purifier son âme avant de rencontrer Dieu. Ensuite, l’auteur traite du protocole des visites, des prières, du service religieux, du cortège funèbre, de l’inhumation ainsi que du deuil, de sa durée et de ses couleurs, sans oublier le service anniversaire.

2 /  Labescat, Gil, La ritualisation dans la trajectoire du mourir : l’action rituelle funéraire, Thèse (Ph. D.), Université de Stasbourg/Université du Québec à Montréal, Montréal, 2016, 409 p.

Le sociologue Gil Labescat s’intéresse aux particularités du processus rituel du début du XXIe siècle plutôt qu’aux rituels en tant que tels. Il tire son échantillon de deux contextes culturels : l’un à Strasbourg, l’autre à Montréal. Il étaye la mise en forme individuelle de la mort, donc son polymorphisme. Il ouvre la voie sur l’évolution du milieu funéraire, l’étude des rituels et le phénomène du « crématisme », car le recours à la crémation est en croissance.

En France comme au Québec, une personne sur six vit un deuil actuellement. Or, peu d’analyses sociales abordent la vulnérabilité des endeuillés, de plus en plus nombreux en raison du vieillissement de la population. On assiste à un « déficit de connaissances » socioanthropologiques sur les pratiques funéraires et le deuil.

Selon l’auteur, la mort s’est professionnalisée. Elle se produit en établissement de santé et la dépouille est prise en charge par l’industrie funéraire. La mort s’est aussi personnalisée dans un cadre standardisé, elle s’est diversifiée selon les caractéristiques de la personne disparue ou de ses proches. Ainsi, on observe de nombreuses mutations dans les rites funéraires depuis une quarantaine d’années : valeurs écologiques, utilisation des technologies de l’information et de la communication, crémation comme mode de transformation du corps, mais aussi leur disparition complète…

3 /  Roberge, Martine, « Autopsie des rites funéraires contemporains : une tendance à la re-ritualisation », dans Jeffrey, Denis et Ângelo Cardita, La fabrication des rites, [Québec], PUL, 2015, p. 179-194.

Dans son article, l’ethnologue Martine Roberge présente le rite de mort traditionnel comme un rite de passage tourné vers le défunt, une pratique de mémoire. Pour les endeuillés, le rituel se répartit en trois phases : la séparation (de l’agonie à la toilette du mort), la marge (des funérailles à la fin du deuil) et l’agrégation (la commémoration). Les rituels sont des repères symboliques qui permettent aux proches du défunt de franchir ces étapes. L’auteure analyse les rites funéraires de notre ère postmoderne. Ils se seraient métamorphosés en « rites de deuil » : un déplacement de l’objet du rituel, le défunt, vers les endeuillés, une forme d’occultation du disparu. Selon elle, la crémation est une façon radicale de nier la mort alors que l’exposition montre le défunt minutieusement déguisé en vivant, une autre forme de déni. Autrefois tournée vers la famille, l’Église et la communauté, la mort garde son caractère collectif, mais dans une relative intimité.

Les rites sont aujourd’hui l’affaire du centre funéraire. En somme, le rituel est décrit dans les dernières volontés ou commandé par les proches à des techniciens et des professionnels qui offrent des services « clé-en-main ou prêt à-enterrer », du transport du corps à la disposition des restes. Ces rituels à la carte s’adaptent aux valeurs des individus : des textes et des chants; des mises en boîte (bien-cuits); des objets, des décors et des gestes symboliques; des diaporamas et des photos; des marquages corporels; une urne et des fleurs emblématiques; etc. Roberge conclut toutefois que, malgré l’individualisation des rites, des constantes demeurent, des repères et des symboles font l’objet d’un consensus, tel que l’exposition de l’urne calquée sur l’exposition du corps. Assiste-t-on à une « re‑ritualisation » de la mort?

4 /  Bussières, Luc, Évolution des rites funéraires et du rapport à la mort dans la perspective des sciences sociales, Thèse (Ph. D.), Université Laurentienne, Sudbury, 2009, 479 p.

Dans sa thèse de doctorat, Luc Buissières s’intéresse à la thanatologie « en tant que carrefour des études des sciences humaines et sociales sur la mort ». Il dresse une recension du corpus contemporain à ce sujet. Il en dégage neuf thèses. En voici un aperçu. L’introduction de la sépulture il y a environ 100 000 ans est un des facteurs fondateurs de la culture : l’humain échappe alors à sa nature animale, il prend conscience de la mort, d’une fin, la ritualise et développe des croyances. Malgré la grande diversité des rites funéraires, ceux-ci présentent des constantes. De fait, ils revêtent trois fonctions sociales : la disposition du corps du défunt, la prise en charge des endeuillés et les manifestations de solidarité entre les vivants. En cette ère de postmodernité caractérisée par l’individualisme, ces rituels tendent cependant à s’estomper, à se singulariser ou à se réinventer partout en Occident. De fait, ils suivent les changements sociaux, le phénomène de la mort étant un révélateur d’une civilisation. Ainsi, la fonction liée à l’eschatologie, c’est-à-dire les croyances sur l’ultime sort de l’humain après sa mort, n’est assumée que partiellement, car la culture et les croyances sont en mutation. Autre constat, les funérailles sont aujourd’hui plus le fait de petits groupes que de la collectivité. Enfin, les rites funéraires sont considérés comme thérapeutiques et socialisants. Ainsi, ils auraient moins d’effets dans le contexte actuel, car moins codés.

5 /  Fédération des coopératives funéraires du Québec, Guide de la coopérative funéraire écoresponsable : un appui à l’accompagnement pour des funérailles riches en sens, s. l., [2014], 51 p. http://www.fcfq.coop/media/GuideCoopEcoresponsable2.pdf

La Fédération des coopératives funéraires du Québec est composée de 25 coopératives réparties dans 100 points de service. Elle se définit comme la pionnière du développement durable dans son domaine. En 2009, ce réseau s’est engagé dans une telle démarche. À cet égard, il a adopté une politique suivant six axes. Elle favorise, entre autres, la réduction des émissions polluantes, l’élimination des produits chimiques et l’utilisation de sources d’énergie alternatives.

Pour faire la lumière sur l’incidence des funérailles sur l’environnement, la Fédération a mandaté des étudiants de deuxième cycle de l’École de technologie supérieure et de Polytechnique pour faire une étude sur le sujet. En 2014, le guide écoresponsable issu de cette étude est dévoilé. Bien sûr, on y trouve des mesures de gestion pour les bureaux, la cuisine, le laboratoire, le garage, les salles d’eau, les matières résiduelles, etc.

Toutefois, la Fédération ne poursuit pas cette unique fin. Elle vise à offrir des funérailles respectueuses de l’environnement. Elle propose une grille de services écologiques. Voici un résumé de ses propositions. L’avis de décès n’est publié que sur le site Web de la coopérative. Dans le cas d’une inhumation, s’il y a exposition, l’embaumement se fait sans formaldéhyde. Sans exposition, et avant une crémation, on évite cette étape. Le cercueil ou l’urne est biodégradable (tissus organiques, bois recyclé). On peut louer le cercueil. Les condoléances, la cérémonie et la réception sont écoresponsables, elles gagnent à se dérouler dans un même lieu, ce qui génère des économies de transport. Il est conseillé de réduire à la source l’utilisation de vaisselle, de décorations et de souvenirs jetables. La récupération et le recyclage sont prônés. Le cimetière virtuel est offert et le cimetière naturel, s’il en existe un. Enfin, la Fédération des coopératives funéraires propose à ses membres de planter un arbre à la mémoire de chaque disparu accueilli dans ses murs, ce qui permet de réduire son empreinte écologique.

Et cinq autres lectures (pour aller plus loin)

1 / Chevalier, Sandy, La mise en scène de la mort aujourd’hui, Mémoire (M.A.), Université Laval, 2010, vi, 151 p. www.theses.ulaval.ca/2010/27814//27814.pdf

2 / Gamba, Fiorenza, « La personnalisation numérique des nouveaux rites funéraires », dans Jeffrey, Denis et Ângelo Cardita, La fabrication des rites, [Québec], PUL, 2015, p. 195-211.

3 / Jeffrey, Denis, Éloge des rituels, [Québec], PUL, 2003, 230 p.

4 /  Saris, Anne, « Le sort du cadavre : le règne des vivants sur les morts », dans Barreau du Québec, Service de formation continue, Développements récents en succession et fiducies, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2014, p. 99-155.

5 / Vanderdorpe, Florence, « Les errances du sens : balbutier des rites pour ne pas tomber », Frontières, vol. 26, no 1-2, 2014-2015.

 

Préparé par Danielle Simard, Service de la recherche, juin 2017

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