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Cinq lectures pour comprendre...

L'innovation sociale

Objet

L’innovation sociale est un concept qui ratisse large. Le Réseau québécois de l’innovation sociale en donne la définition suivante : « Une innovation sociale est une nouvelle idée, approche ou intervention, un nouveau service, un nouveau produit ou une nouvelle loi, un nouveau type d’organisation qui répond plus adéquatement et plus durablement que les solutions existantes à un besoin social bien défini, une solution qui a trouvé preneur au sein d’une institution, d’une organisation ou d’une communauté et qui produit un bénéfice mesurable pour la collectivité et non seulement pour certains individus. La portée d’une innovation sociale est transformatrice et systémique. Elle constitue, dans sa créativité inhérente, une rupture avec l’existant [1]. » Le concept est aussi méconnu. On estime même que des acteurs font de l’innovation sociale sans le savoir.

Le présent document entend illustrer les réalités différentes de l’innovation sociale selon des domaines d’application possibles comme l’économie sociale et solidaire, l’environnement et le développement des territoires ou encore, l’entrepreneuriat social. S’ajoutent à ces « études de cas » des documents plus généraux qui traitent des fondements de ce concept à la mode.

Les cinq lectures pour comprendre

1 / Réseau québécois en innovation sociale, Favoriser l’émergence et la pérennisation des innovations sociales au Québec : synthèse des travaux de la communauté d’intérêt sur l’innovation sociale, avril 2011.

Cette synthèse est le résultat des travaux de la communauté d’intérêt du Réseau québécois d’innovation sociale composée d’une vingtaine de représentants d’organisations. On y détermine 12 facteurs-clés à privilégier pour faciliter l’émergence et la pérennisation de projets d’innovation sociale. Le document contient également les raisons qui justifient l’innovation sociale, une déclaration sur l’innovation sociale et des recommandations pour poursuivre des actions en cette matière y sont formulées. Une variété de projets sont analysés sous l’angle de ces clés ou critères d’innovation sociale dans plusieurs domaines : l’éducation (lutte contre le décrochage, transfert des connaissances), la recherche (l’initiative du Fonds de recherche en santé pour la recherche en actions concertées, le développement des connaissances relatives aux peuples autochtones, la recherche partenariale en économie sociale, etc.), la revitalisation des milieux socioéconomiquement défavorisés ou de la culture. Chaque cas est présenté en fonction du contexte, de la vision, du déroulement de l’expérimentation, des facteurs favorables et des contraintes au processus d’innovation ainsi que des retombées, des impacts et de la pérennisation.

Selon ce collectif d’auteurs, les clés favorisant les processus d’innovation reposent en bonne partie sur une démarche d’analyse et de planification. Les innovations sociales nécessitent des connaissances diverses et des conditions de démarrage, d’expérimentation et d’appropriation.

Les facteurs clés à considérer dans la mise en œuvre des projets d’innovation sociale correspondent à la prise en compte du contexte d’émergence du projet, à sa planification, à l’analyse de risques inhérents, aux caractéristiques des acteurs et à leur degré de mobilisation, à la diversité et à la construction des savoirs et des savoir-faire, aux rapports de confiance, aux formes de leadership à l’œuvre (individuel, organisationnel, collectif), au financement, au rayonnement potentiel du projet dans les collectivités, à la gestion du changement et au transfert des résultats du projet d’innovation sociale. Selon ce rapport, « l’ensemble des éléments est interrelié et indissociable et s’applique indépendamment du secteur visé puisqu’ils portent sur la mise en œuvre et non pas sur le résultat final du projet ».

2 / Anne Rousseau, « Un dépanneur pas comme les autres », Le Droit, 28 novembre 2014.

Cet article relate l’histoire et l’expérience d’une initiative citoyenne d’entraide et de solidarité bénévole, le dépanneur Sylvestre, en vue d’offrir des solutions aux problèmes de chômage, de pauvreté et de santé dans la ville de Gatineau et ses environs en Outaouais. Les activités de l’organisme à but non lucratif débutent avec l’acquisition d’un commerce qui instaure une pratique sociale d’alimentation afin de soutenir les jeunes et les moins jeunes aux prises avec des difficultés. Le dépanneur Sylvestre est un organisme à deux volets : une coopérative de solidarité qui a le statut d’entreprise sociale pour le volet économique et un organisme à but non lucratif appelé Dépannage, Entraide, Partage, pour le volet communautaire.

Pour le volet économique, l’organisme vend des produits pour la plupart d’agriculture biologique. Il est financé par des contributions en provenance des secteurs public et privé ainsi que des citoyens.

Parmi les activités communautaires, l’article fait état de l’organisation d’activités culturelles (conférences, spectacles, ateliers, soupers thématiques, etc.). Le dépanneur offre des programmes spéciaux de réinsertion sociale auxquels sont associés de manière proactive des bénévoles, des citoyens et des clients pour le fonctionnement de l’organisme. Le dépanneur Sylvestre accueille également des personnes qui connaissent des difficultés économiques et des étudiants en stage dans différents domaines (travail social, administration, comptabilité, cuisine, etc.). On y organise même des initiatives de solidarité internationale pour aider les enfants victimes d’esclavage et de conflits armés. Cette expérience sociale, économique et culturelle a permis de revitaliser un quartier de la ville de Gatineau.

3 / Seana Irvine, « Evergreen Brick Works: An Innovation and Sustainability Case Study », Technology Innovation Management Review, vol. 2, no 7, juillet 2012, p. 21-25.

Fondé en 1990, Evergreen cherche à implanter des cités vertes et des communautés dynamiques. La visée est de susciter des changements sociaux notamment par la diffusion de connaissances et l’appropriation de moyens en vue d’une consommation écoresponsable. L’article présente un projet phare d’Evergreen, celui de la revitalisation d’un site industriel. Pendant plus de 100 ans, la Don Valley Brick Works a contribué à façonner la ville de Toronto par la production de briques. La fermeture à la fin des années 1980 a laissé 42 acres de terrain et de bâtiments endommagés. Ouvert en 2010 après huit années de travaux de rénovation, Evergreen Brick Works devient alors le plus grand centre communautaire environnemental. Ce projet intègre des standards de design environnemental. De plus, une entreprise sociale y génère des revenus sur un campus multifonctionnel en lien étroit avec la trame urbaine et les communautés socioculturelles.

L’article mentionne comment Evergreen fait la promotion de meilleures pratiques environnementales par l’utilisation des technologies de l’information et des communications et des médias sociaux. Selon l’auteure, Evergreen est un modèle d’innovation sociale et durable de plus de 25 ans qui a le mérite d’avoir été analysé.

À titre de comparaison, il existe plusieurs projets de ce type au Québec notamment dans le domaine culturel et sociocommunautaire. Par exemple, la Fabrique (quartier Saint-Roch, ville de Québec) occupe les locaux de l’ancienne usine Dominion Corset depuis 1993. Après des rénovations, le site accueille désormais l’office de développement économique municipal, la société municipale d’habitation Champlain de même que l’École des arts visuels de l’Université Laval. Mentionnons aussi des églises, qui, après reconversion, deviennent des lieux sociocommunautaires, d’animation culturelle ou même des bibliothèques.

4 / Diane Bérard, « Entrevue n°267 : Sally Osberg, présidente et pdg, Skoll Foundation », Les Affaires, 14 novembre 2015.

Un article du journal Les Affaires rapporte une entrevue avec Sally Osberg, présidente de la Fondation Skoll à propos de son livre, How Social Entrepreneurship Works, écrit en collaboration avec Roger L. Martin, autrefois doyen de l’école de gestion Rotman de l’Université de Toronto. Selon elle, ce qui distingue les entrepreneurs sociaux d’autres acteurs qui ont un impact social (comme les fournisseurs de services sociaux et les activistes sociaux), c’est que les premiers proposent une solution entrepreneuriale pour changer directement un système qu’ils considèrent comme défaillant. L’entrepreneuriat social s’appliquerait tant dans les pays pauvres que dans les pays riches pour tenter d’améliorer les choses. Ce modèle hybride se situe quelque part entre celui du gouvernement, qui offre des réponses aux besoins des citoyens et celui de l’entreprise privée, qui dessert des clients. En d’autres mots, l’entrepreneur social travaille pour des clients qui ont des problèmes de citoyens.

Selon les propos recueillis par l’auteur, ce modèle comporte des pièges. Pour les éviter, il faut adopter la bonne stratégie. Cette dernière se décline en quatre étapes : arriver à une bonne connaissance du système à changer, élaborer une vision plus équitable, créer un modèle pour atteindre cette vision et implanter le modèle.

L’entrevue rapporte deux expériences d’entreprises sociales, l’une dans la lutte contre la déforestation de la forêt amazonienne et l’autre sur la réduction du travail chez les enfants. Ainsi, Imazon a-t-elle utilisé les données recueillies par satellite au Brésil pour que le gouvernement ait l’information en temps réel à peu de frais et, conséquemment, applique des amendes dissuasives aux coupeurs illégaux de bois. De son côté, GoodWeave est une entreprise sociale qui a établi une certification permettant de garantir qu’aucun enfant n’a travaillé à la confection du produit. Ainsi, l’entreprise cible les fabricants de tapis afin qu’ils s’assurent que leurs fournisseurs n’emploient pas d’enfants. En 20 ans, par l’établissement de cette certification, Goodweave a fait reculer de 75 % le travail des enfants dans cette industrie en Asie du Sud.

5 / Juan-Luis Klein, Jean-Marc Fontan, Denis Harrisson et Benoît Lévesque [2], « L’innovation sociale dans le contexte du “modèle québécois” : acteurs, composantes et principaux défis », sous la direction de Benoît Lévesque, Juan-Luis Klein, Jean-Marc Fontan, L’innovation sociale : les marches d’une construction théorique et pratique, Presses de l’Université du Québec, 2014, p. 303-313.

Le chapitre de ce livre présente le sujet des innovations sociales en lien avec l’évolution du modèle québécois. En prémisse, l’article postule que le contexte historique conditionne l’émergence des innovations sociales en interrelation étroite avec l’environnement institutionnel. On y présente le cas québécois comme la résultante de vagues d’innovations sociales successives dans le temps.

D’abord, les auteurs situent l’importance de la mobilisation citoyenne dans le développement du modèle québécois. Dans les années 1960, les revendications visent une plus grande présence de l’État dans la société. Les revendications se spécialisent et se radicalisent dans les années 1970 et des groupes d’action plus spécialisés (condition féminine, domaine culturel, environnement, etc.) apparaissent. Enfin, la crise de 1980 incite les mouvements citoyens à rechercher des solutions aux problèmes sociaux et économiques, et ce, dans un esprit de partenariat.

L’article analyse ensuite la dernière vague d’innovations sociales en considérant trois dimensions : l’apport des organisations sectorielles à la gouvernance au Québec, leur participation à la construction des politiques publiques et à leur mise en œuvre et, enfin, leur contribution au développement d’un modèle économique pluriel. Selon les auteurs, cela démontre que nous sommes donc en présence d’un véritable système « national » d’innovation sociale.

Les auteurs considèrent cependant que des défis de régénération pour les innovations sociales se posent depuis le tournant du XXIe siècle. À titre d’exemple, ils citent dans le monde du travail l’apport positif des fonds de travailleurs, mais les expériences nettement moins poussées quant à la démocratisation du travail et à la redéfinition de la place du travailleur. Dans le domaine des conditions de vie, le défi consisterait sans doute à trouver des solutions à la dépendance des organismes communautaires au financement de l’État. Enfin, en ce qui concerne le développement local, il y a un large enjeu d’intégration entre les sphères d’actions publiques, communautaires et privées.

En conclusion, les auteurs considèrent que les rapports de partenariat entre l’État et les organismes sont en construction permanente, mais que des défis communs demeurent et touchent deux enjeux sociétaux soit la lutte contre la pauvreté et l’environnement.

Et cinq autres lectures (pour aller plus loin)

1 / Centre de recherche sur les innovations sociales (CRISES), Études de cas d’entreprises.

2 / Centre de recherche sur les innovations sociales (CRISES), Intervention de Jean-François Draperi, Centre national des arts et métiers (CNAM) sur le thème «L'économie sociale comme réponse à la crise», Conférence en ligne dans le cadre d’un séminaire tenue à Montréal le 24 février 2015.

3 / Journal Le Devoir, Cahier thématique sur l’innovation sociale, Édition du 19 et 20 mars 2016.

4 / Marie J. Bouchard, Winnie Frohn et Richard Morin, « Le logement communautaire au Québec : apports et limites d'une innovation sociale », Lien social et Politiques, n° 63, 2010, p. 93-103.

5 / Réginald Harvey, « Les grands enjeux de l’avenir sont liés à l’innovation sociale, selon Michel Venne », Le Devoir, le 22 mars 2014.

 

Préparé par Michèle Rioux, Service de la recherche, février 2017



[1] Réseau québécois en innovation sociale, Déclaration québécoise pour l’innovation sociale, 2011, p. 3.

[2] On notera que Benoît Lévesque, professeur émérite en sociologie économique de l’UQAM, est récipiendaire du prix Marie-Andrée-Bertrand (Innovation sociale) 2015. Il a cofondé le Centre de recherche sur les innovations sociales, seule organisation spécialisée dans l’étude de l’innovation sociale au Canada.

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