La maîtrise des technologies de l’information et de la communication (TIC) devient de plus en plus déterminante pour assurer la réussite sociale et professionnelle des jeunes. Le Programme de formation de l’école québécoise la considère d’ailleurs comme essentielle au développement des compétences des élèves. Il estime aussi que les TIC sont au service de l’apprentissage et de l’enseignement. Dans cette optique, le gouvernement du Québec a mis en place, en 2011, le programme École 2.0, qui prévoyait l’achat d’un portable pour chaque enseignant et d’un tableau numérique interactif (TNI) [1] par classe à travers tout le Québec, au cours des cinq années suivantes.
Par ailleurs, ce ne sont pas les TIC elles-mêmes qui favorisent la motivation ou la réussite des jeunes, mais les usages qui en sont faits, tant par les enseignants que par les élèves. Elles ont leur place en classe que si elles participent à l’atteinte de la mission de l’école qui est d’instruire, de socialiser et de qualifier.
Cependant, malgré l’importance que revêtent les TIC sur les plans socioprofessionnel et éducatif, plusieurs chercheurs notent que, au Québec, comme ailleurs dans le monde, les usages pédagogiques des TIC en contexte scolaire sont encore trop limités.
1 / Collin, Simon, et Thierry Karsenti, « Quand les TIC font mouche : leur impact sur l’engagement scolaire des élèves », Éducation Canada, vol. 53, no 1, 2013.
Les TIC ont un très grand potentiel pour accroître divers types d’engagement scolaire chez les jeunes : un engagement cognitif, affectif et comportemental. Collin et Karsenti montrent d’abord comment les TIC transforment de façon exponentielle la manière d’apprendre. Puis, ils insistent sur l’engouement des jeunes pour les technologies émergentes, le Web 2.0 et les médias sociaux. Ensuite, ils soulignent leur rôle central dans la réussite sociale et professionnelle des jeunes, notamment parce que le fait de savoir s’autoformer, s’informer et communiquer par le biais de différentes technologies est désormais une condition essentielle pour s’adapter à une société en mutation constante et devenir un acteur sociétal à part entière. Enfin, les auteurs estiment que l’heure n’est plus à se demander si les TIC agissent ou non sur l’engagement des jeunes, mais plutôt à chercher exploiter leur plein potentiel.
2 / Karsenti Thierry, Le tableau blanc interactif (TBI) : usages, avantages et défis, CRIFPE, 2016, 50 p.
L’objectif de cette étude est de définir les usages et les avantages du TBI à l’école et les défis qu’il pose. Cet objectif, comme le précise l’auteur, est lié à l’avis de la Commission de l’éthique en science et en technologie (CEST-Jeunesse, document no 5) qui rappelle la nécessité de s’assurer que certaines technologies ont une incidence sur la persévérance et la réussite scolaires avant de les intégrer massivement. En tout, 11 683 élèves (de la 4e année du primaire à la 5e secondaire) et 1 131 enseignants ont participé à cette recherche.
Karsenti présente d’abord une synthèse des recherches sur l’utilisation du TBI en éducation. Il ressort que peu d’études démontrent une quelconque influence de cet outil sur la réussite scolaire. Les résultats concluants des recherches analysées sont la motivation accrue des élèves, qui, toutefois, diminue avec le temps, et la possibilité pour l’enseignant de mieux présenter du contenu théorique de façon magistrale. L’auteur soutient qu’il faut mener plus de recherches sur les usages et sur la mesure des effets didactiques du TBI pour orienter les actions des gouvernements et des milieux éducatifs.
Après avoir précisé les forces et les limites méthodologiques de la recherche, l’auteur expose les principaux résultats. Ceux-ci portent d’abord sur la fréquence et les types d’usages que font les enseignants et les élèves du TBI. On apprend, entre autres, que 48,2 % des enseignants interrogés utilisent le TBI « toujours » ou « souvent », que 39,3 % l’utilisent « parfois » ou « rarement », et que seulement 12,5 % ne l’utilisent « jamais «. Les premiers le font surtout parce que cela facilite la présentation de la matière vue en classe. Parmi eux, d’autres y voient aussi une façon de montrer de l’information trouvée dans le Web. D’autres encore l’utilisent parce que cet outil a remplacé leur tableau noir. Pour les deuxièmes, il semble que ce soit la complexité de l’outil ou les défis techniques qui posent problème. Enfin, certains enseignants n’utilisent jamais le TBI parce que celui-ci ne fonctionne pas pour des raisons techniques ou encore parce qu’ils ne pensent pas que l’outil soit nécessaire pour l’enseignement. Quant aux élèves, ils l’utilisent peu. Ainsi, 4,4 % des élèves considèrent que leurs enseignants les laissent utiliser le TBI « toujours » ou « souvent », 12,9 % « parfois », 29,5 % « rarement » et 53,2 %, « jamais ». Pour ce qui est des types d’usages, il apparait que le TBI est surtout utilisé par les enseignants comme un outil de projection et non comme outil numérique interactif pour soutenir l’enseignement ou l’apprentissage.
Les avantages du TBI, tant pour les élèves que pour les enseignants, sont nombreux. L’accès à Internet en classe constitue le principal gain. Les jeunes mentionnent aussi le fait que le TBI permet de voir des vidéos, de varier les stratégies de l’enseignant et d’augmenter la motivation à apprendre. Parmi les autres atouts pour les enseignants, on rapporte l’idée de support visuel à l’enseignement, notamment, avec les présentations de type PowerPoint. La motivation des élèves et la diversification des approches pédagogiques ont aussi été soulignées. Toutefois, seulement 3,9 % des enseignants pensent que le TBI est susceptible de contribuer à la réussite scolaire.
Au chapitre des défis que représente l’usage du TBI, pour les enseignants, le premier est lié aux problèmes techniques. Le temps qui doit être consacré au TBI est aussi un défi important. La petite taille de l’écran, la gestion de la classe et le manque de temps pour apprivoiser l’outil font partie des problèmes rencontrés. Les élèves soulignent, pour leur part, la petite taille de l’écran et l’inexpérience de leurs enseignants à cet égard.
En conclusion, Karsenti affirme que le TBI revêt un grand potentiel pour l’éducation, mais ce sont les usages qu’en font l’enseignant et l’élève, et non l’outil en soi, qui seront déterminants. Par ailleurs, la plupart des enseignants utilisent le TBI comme un projecteur électronique. Or, un tel appareil coûte moins cher et les problèmes techniques qu’il engendre sont minimes. Ce qui fait dire à l’auteur que l’imposition du TBI à tous les enseignants du Québec en 2011 aura possiblement été une décision précipitée.
3 / CEFRIO, Usages du numérique dans les écoles québécoises : rapport synthèse. Québec, 13 février 2015, 32 p.
En 2013, le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport confie au CEFRIO (Centre facilitant la recherche et l’innovation dans les organisations, à l’aide des technologies de l’information et de la communication) le mandat de dresser le portrait des usages du numérique dans les écoles québécoises. L’étude comporte trois volets : 1) un état des connaissances sur l’utilisation des écrans en classe (tableau numérique interactif, ordinateurs portables, tablettes numériques, téléphones intelligents, etc.); 2) un portrait de quelques pratiques innovantes en cours; 3) une collecte d’information sur l’organisation scolaire concernant les nouveaux usages des écrans à l’école. Trois méthodes sont utilisées : 1) une enquête auprès des directions d’école; 2) des études de cas menées dans le milieu scolaire et 3) une recension des écrits.
Les résultats de l’enquête révèlent que la grande majorité des écoles, tant publiques que privées, ont un accès à Internet dans toutes les classes et que la moitié des écoles fournissent un portable ou une tablette numérique à chacun des enseignants. Environ 40 % des écoles de l’échantillon procurent ces appareils aux élèves. Dans l’ensemble, l’utilisation du numérique apparait très tôt dans l’apprentissage. Près de la moitié des directeurs d’école publique et la grande majorité des directeurs d’école privée mentionnent l’existence dans leur école de projets reliés à l’usage du numérique. De plus, plusieurs ressources sont à la disposition des enseignants, plus souvent dans le privé, afin qu’ils améliorent leurs compétences technologiques.
Le rapport décrit, ensuite, les sept études de cas menées dans le milieu scolaire. Celles-ci ont été retenues en fonction des types de leadership. 1) le cas d’une commission scolaire misant sur la formation et sur l’équilibre entre standardisation et flexibilité; 2) le cas d’un programme « école dans l’école » où chaque élève a son portable; 3) le cas d’un collège privé qui a pris le virage vers la mobilité dans une dynamique d’organisation apprenante; 4) le cas d’une enseignante qui a entrepris en solitaire une démarche de changement de pratique; 5) le cas d’un enseignant qui intègre le numérique au primaire; 6) le cas d’une commission scolaire anglophone qui doit assurer la pérennité d’un virage numérique entrepris il y a dix ans; 7) le cas d’un enseignant porteur du « dossier numérique » dans son école.
Les auteurs du rapport dressent après l’état des connaissances en matière d’intégration des TIC à partir de l’examen de recherches menées sur la question. Ils dégagent douze tendances lourdes [2] qui rendent compte de ce qui se passe lorsque les technologies et ressources numériques sont utilisées en éducation. Le CEFRIO a publié un document sur la recension de ces écrits [3].
4 / Villeneuve, Stéphane, Thierry Karsenti, Carole Rab et Hélène Meunier, « Les futurs enseignants du Québec sont-ils technocompétents? », Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire, vol. 9, nos 1 et 2, 2012, p. 78-99.
Au Québec, les étudiants au baccalauréat en éducation préscolaire et en enseignement primaire et ceux au baccalauréat en enseignement secondaire doivent démontrer, au terme de leur formation universitaire, leur maitrise de 12 compétences professionnelles. L’une d’elles concerne l’intégration des technologies de l’information et de la communication (TIC) « aux fins de préparation et de pilotage d’activités d’enseignement-apprentissage, de gestion de l’enseignement et de développement professionnel ». Six composantes décrivant des gestes professionnels inhérents au travail de l’enseignant sont liées à cette compétence.
L’article apprécie chacune des composantes de la compétence de 2065 futurs enseignants québécois à intégrer les TIC lors pendant leurs stages. En conclusion, une composante est maitrisée, quatre le sont partiellement et une autre ne l’est pas. La compétence professionnelle à intégrer les TIC est donc considérée comme partiellement maitrisée.
5 / Commission de l’éthique en science et en technologie, L'éthique et les TIC à l'école : un regard posé par des jeunes, Québec, Gouvernement du Québec, 2015, 34 p.
Tous les deux ans, la Commission de l’éthique en science et en technologie réunit une commission jeunesse (CEST-Jeunesse). C’est l’occasion pour des cégépiens de discuter, dans le cadre de leur cours Éthique et politique, des enjeux éthiques d’une application de la science et de la technologie. Le présent avis porte sur l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) en éducation (TICE), spécifiquement au primaire et au secondaire.
La CEST-Jeunesse présente les finalités et les valeurs qui devraient orienter l’utilisation des TICE. Les premières, au nombre de trois, sont : 1) la transmission des connaissances et le développement de compétences qui permettent à l’individu de participer pleinement à la société; 2) la socialisation, l’apprentissage de la citoyenneté et du vivre-ensemble et 3) la mobilité sociale et l’égalité des chances. Quant aux valeurs, la CEST-Jeunesse retient : la créativité et l’esprit critique, l’entraide et la collaboration, l’équité et l’égalité des chances, l’ouverture sur le monde, l’autonomie et la responsabilité. S’ajoutent deux autres valeurs liées proprement à l’utilisation de la technologie : celle de la collectivité, pour contrebalancer l’individualisme qu’elle peut engendrer et le respect de l’environnement.
Dans le troisième chapitre, la CEST-Jeunesse met l’accent sur l’efficacité et la valeur pédagogique des TICE comme prérequis essentiel à leur déploiement. Elle s’intéresse aux enjeux d’équité liés à l’accessibilité au matériel technologique et aux compétences pour l’utiliser. Elle définit des dérives possibles et propose des pistes de solutions pour les éviter, par exemple la responsabilisation des acteurs concernés. Enfin, à ces derniers, elle adresse neuf recommandations.
Dans sa conclusion, la CEST-Jeunesse affirme que la popularité des technologies, comme les tablettes tactiles, ne doit pas influencer les décideurs dans leurs choix technologiques. Selon elle, les TICE doivent apporter une plus-value à l'enseignement et leur utilisation doit être soutenue par des recherches rigoureuses. Elle s'inquiète du fait que les technologies soient peu accessibles aux familles moins nanties. Elle souhaite que les TICE s’inscrivent dans une vision de l'éducation qui encourage l'autonomie de l'individu et sa participation sociale. Pour la CEST-Jeunesse, l'utilisation des TICE doit viser le développement de l'esprit critique, de la créativité et de la collaboration.
1 / CEFRIO, Portrait des compétences numériques parentales, mars 2016, 21 p.
2 / Veilleux, Alain, « École 2.0, la vision du MELS », communication présentée au Colloque RISQ 2011: à l’écoute de vos besoins, Montréal, novembre 2011.
3 / Miller, Audrey, « Pionnière québécoise du 1:1 (1 appareil pour 1 élève), la CS Eastern Townships se tourne vers le iPad mini », Infobourg, 2 avril 2014.
4 / Lefebvre, Ghislain Samson, Alexandre Gareau, J. Gagnon et G. Gervais, « Les facteurs qui contribuent et qui gênent l’implantation du TNI dans les écoles primaires et secondaires du Québec », communication présentée au 2e Colloque international sur les TIC en éducation : bilan, enjeux et perspectives futures, Montréal, mai 2014.
5 / Romero, Margarida, « Usages pédagogiques des TIC : de la consommation à la cocréation participative », Vitrine technologie éducation, 4 décembre 2015.
Préparé par Hélène Bergeron, Service de la recherche, octobre 2016
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