Le financement public des écoles privées fait l’objet de nombreux débats depuis 50 ans au Québec. Particulièrement dans le contexte de compressions budgétaires des dernières années, plusieurs études ont été menées sur ce sujet.
Selon certaines études, le financement public des écoles privées encourage une éducation à deux vitesses. La concurrence engendrée par l’existence des deux réseaux scolaires fait en sorte que les écoles publiques se retrouvent avec des élèves dont les besoins sont toujours plus grands. Conjugué avec la diminution du financement causée par la perte d’élèves au profit du secteur privé, cela affaiblirait le secteur public. Aussi, toujours selon ces études, abolir les subventions au secteur privé mettrait fin à l’exode des élèves vers celui-ci. L’intégration de ces derniers au secteur public profiterait aux élèves qui ont plus de difficultés et permettrait à l’État une économie annuelle de plusieurs millions de dollars.
Selon d’autres, le maintien d’un système privé accessible est nécessaire à la concurrence. Celle-ci est bénéfique pour le réseau public et elle améliore la qualité générale de l’éducation. L’abolition, complète ou même partielle, des subventions versées aux écoles privées entrainerait la fermeture de plusieurs d’entre elles. Loin de permettre à l’État de faire des économies, cela représenterait une perte financière importante. Le réseau public devrait alors composer avec un plus grand nombre d’élèves que l’État devrait financer à 100 %. Par ailleurs, les écoles privées qui réussiraient à survivre seraient celles qui augmenteraient les droits de scolarité et ne pourraient être fréquentées que par les enfants des parents très riches.
1 / Commission de révision permanente des programmes, Cap sur la performance. La révision de certains programmes : quelques pistes, vol. 2, juin 2015, p. 5-16.
Dans son premier rapport, publié en novembre 2014, la Commission de révision permanente des programmes a abordé la question du financement public des écoles privées. Cependant, à cause de difficultés d’évaluation concernant trois questions, elle n’y a pas formulé de recommandations. Ces questions touchaient 1) les coûts et le financement comparatifs des écoles privées et publiques; 2) le risque de transferts de clientèles du privé vers le public et 3) les conséquences d’une remise en cause du financement public des écoles privées sur le système d’éducation québécois, notamment sur la concurrence auquel donne lieu l’existence d’un double réseau.
Dans son deuxième rapport, la Commission présente les résultats de l’examen de ces questions et les conclusions qu’elle en tire. Par exemple, à cause de la charge supplémentaire que représenterait le financement d’une nouvelle clientèle dans le réseau public, une réduction du financement public aux écoles privées n’entraînerait pas d’économies. De plus, le maintien des deux réseaux exerce une certaine forme de concurrence et le Québec a tout à y gagner, cela contribuant à élever le niveau d’ensemble de l’éducation. Après avoir affirmé que cet effet d’émulation doit demeurer équitable, la Commission ajoute que le gouvernement a tous les outils pour que cette condition soit remplie.
2 / Fédération des commissions scolaires du Québec, Le financement public de l’enseignement privé. Conséquences sur le réseau des écoles publiques, juin 2014, 159 p.
La première partie du rapport présente l’encadrement légal et réglementaire des deux réseaux scolaires et brosse un portrait du réseau privé. Cet encadrement est plus exigeant pour le réseau public tant sur le plan politique, administratif que pédagogique. De plus, malgré la décroissance démographique depuis le début des années 1980, les effectifs scolaires du réseau privé ont augmenté au détriment du public. Et cet exode se poursuit.
La deuxième partie dresse un portrait du financement des réseaux. De 2000 à 2014, les crédits ont augmenté de près de 40 % pour le réseau privé et de 32 % pour le public. Les sources de financement, au privé, proviennent à plus de 40 % de l’État et à près de 50 % des parents, des dons et des revenus spécifiques. Le réseau public est financé par l’État à 77 % et par la taxe scolaire à près de 15 %. La subvention moyenne versée par élève du privé correspond à 60 % de celle accordée au public. Un exposé du financement public de l’enseignement privé au Canada et dans quelques pays européens clôt cette section.
Dans la troisième partie, le rapport ne remet pas en cause l’existence du réseau scolaire privé, mais affirme la nécessité de s’assurer de l’efficience de chaque réseau. Il apparaît que le réseau public est plus efficient que le privé, tant sur le plan du nombre d’élèves à scolariser ou sur celui du nombre de diplômés à produire. La révision du financement public de l’enseignement privé est aussi examinée. Il s’agit de savoir si, dans l’optique d’optimiser le financement public des réseaux scolaires et de poursuivre leur amélioration, le financement public du réseau privé devrait être révisé à la baisse. La réponse est que le gouvernement doit favoriser le retour des élèves du réseau privé au public en diminuant les subventions du premier. Cela pourrait être une façon de faire des économies afin de les réinvestir dans l’amélioration de la persévérance et de la réussite scolaires de tous les élèves.
3 / Fédération des établissements d’enseignement privés, Le financement de l’école privée : des économies pour l’État et les contribuables, mémoire présenté à la Commission de révision permanente des programmes, octobre 2014, 43 p.
Dans le cadre du dialogue social pour alimenter les travaux de la Commission permanente de révision des programmes, la Fédération des établissements d’enseignement privés a déposé un mémoire. Dans l’optique de comprendre le financement public de l’école privée, trois sections sont particulièrement pertinentes.
Une première porte sur des caractéristiques du financement des élèves des établissements privés. L’élève du secteur privé coûte 38 % de celui du public, ce qui représente annuellement une économie de plus de 600 millions de dollars pour l’État. Par ailleurs, 42 % des revenus des établissements privés proviennent de ce dernier et le reste vient des parents et d’autres revenus. Enfin, l’État fournit à ces établissements un peu moins de 60 % du montant qu’il donne pour les services éducatifs de chaque élève du réseau public.
Une deuxième section porte sur les effets de la baisse du financement public de l’école privée. Sur la base d’enquêtes qu’elle a réalisées auprès des établissements membres et des parents ainsi que sur celle d’études menées par des chercheurs, la Fédération conclut que le retrait du financement aux écoles privées serait nuisible tant sur le plan des finances publiques que sur celui de la réussite scolaire.
Une troisième partie concerne le financement des élèves en difficulté. À cet égard, la Fédération rappelle les données d’une enquête du ministère de l’Éducation du Loisir et du Sport selon lesquelles la population scolaire des écoles privées comprend 10 % d’élèves en difficulté. Certaines écoles accueillent même jusqu’à 40 % d’élèves ayant un plan d’intervention. Cependant, le Ministère ne bonifie pas les montants qu’il leur verse pour soutenir ces élèves, contrairement à ce qu’il fait pour l’école publique. Selon la Fédération, le Ministère doit ajuster la subvention versée aux écoles privées pour les élèves en difficulté à 60 % de celle qui serait versée pour ces élèves à l’école publique.
4 / Paradis, Pierre Emmanuel, Analyse de la contribution économique des établissements privés au Québec. Étude commandée par la Fédération des établissements d’enseignement privés, novembre 2015, 42 p.
Pour analyser la contribution économique des établissements d’enseignement privés au Québec, l’auteur se penche sur leur situation financière générale et la compare avec celle des établissements publics. Il s’intéresse ensuite aux conséquences d’une baisse de subventions versées aux écoles privées ainsi qu’à la contribution éducative de ces dernières.
Les résultats de l’examen de la situation financière des établissements privés et publics montrent que les uns comme les autres éprouvent des difficultés. Ceux qui accueillent moins d’élèves, qu’ils soient publics ou privés, sont particulièrement affectés par les compressions successives des dernières années.
Quant aux conséquences d’une baisse du financement public des écoles privées, l’étude conclut que cela se traduirait en coûts nets additionnels pour l’État. En effet, la baisse de subventions qui leur sont versées serait plus que compensée par la hausse des subventions à verser au secteur public à cause de l’exode d’élèves du réseau privé vers le réseau public. L’auteur avance même qu’une hausse des subventions à l’école privée se traduirait probablement par une légère baisse du coût total des deux réseaux d’éducation pour l’État.
Enfin, sur la base de plusieurs études, et en isolant les différents facteurs socioéconomiques qui influencent la réussite des élèves, l’auteur conclut que les écoles privées ont une portée positive et significative sur les élèves et que ceux-ci réussissent mieux. Les indicateurs de performance retenus sont, entre autres, la probabilité d’obtention de diplôme, la rapidité à l’obtenir, les compétences atteintes en lecture, en science et en mathématiques. De plus, les écoles privées ont une influence favorable sur les écoles publiques. La concurrence entre elles a des effets bénéfiques sur la performance et l’efficacité opérationnelle de l’ensemble du système d’éducation québécois.
5 / Rapport du comité d’experts sur le financement, l’administration, la gestion et la gouvernance des commissions scolaires, mai 2014, 182 p.
Ce rapport concerne les commissions scolaires. Toutefois, la section 7 est consacrée au financement des établissements d’enseignement privés subventionnés.
Le comité d’experts a vérifié si le financement alloué à ces établissements correspond réellement, comme ce qui est généralement admis, à 60 % du coût moyen pour un élève comparable fréquentant un établissement public. Selon les calculs du comité, la subvention de base pour un élève ordinaire du secondaire dans le réseau public est de 5 471 $ pour l’année 2012-2013. Pour un élève du secondaire qui fréquente une école privée, cette subvention est de 4 090 $, soit environ 75 % du financement accordé au même élève dans le réseau public. Si le taux de financement était de 60 %, la somme accordée à chaque élève du privé serait plutôt de 3 283 $. L’écart représente 65,8 millions $ et la somme passe à 71,2 millions $ lorsqu’on ajoute les élèves du préscolaire et du primaire. Une des recommandations du comité est de revoir et de clarifier les règles de financement des écoles privées.
1 / Larose, François, et Vincent Grenon, Profil socioéconomique et attentes technologiques des parents d’élèves du réseau des établissements d’enseignement privé du Québec, Centre de recherche sur l'intervention éducative et socioéducative, Université de Sherbrooke, décembre 2013, 93 p.
2 / Fortin, Pierre, et Marc Van Audenrode, La contribution des collèges privés subventionnés à la société québécoise sous l’angle économique. Étude préparée pour l’Association des collèges privés du Québec, Groupe d'analyse, conseils en économie, finance et stratégie, septembre 2013, 58 p.
3 / Télé-Québec, « Devrions-nous cesser de financer l'école privée? », Bazzo.tv, 2014-2015 / Épisode 366 / 11:47.
4 / Maclure, Jocelyn, « Écoles privées: le dilemme des progressistes », Le Devoir, 6 octobre 2013.
5 / Durand, Guy, L'école privée. Pour ou contre?, Montréal, Les éditions Voix parallèles, 2007, 140 p.
Préparé par Hélène Bergeron, Service de la recherche, novembre 2016
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